En janvier 2017 je suis entrée en résidence à l’université Jean Moulin Lyon 3 pour y mener un travail artistique sur l’art, la mémoire, la transmission. Dans ce cadre, poursuivant ma collecte de la parole survivante, j’ai rencontré trois grands messieurs qui aux temps de l’enfance furent de véritables super héros pour de vrai et sans costume. Tous les trois sont liés à l’histoire de la colonie des enfants d’Izieu au coeur du présent travail à Lyon. Samuel Pintel, 6 ans, passa 2 mois à la colonie avant d’en être « sorti » par des amis de ses parents. Paul Niedermann, 15 ans, y cultiva quelque temps le potager avec Théo Reis, son grand ami, qui disparut dans la tourmente. Paul fut exfiltré vers la Suisse avant le 6 avril. Alexandre Halaunbrenner perdit à Izieu ses deux petites soeurs Mina et Claudine qui avaient été placées là par l’OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants) pour les protéger. Elles avaient 5 et 8 ans. Elles n’en revinrent jamais. En 1972 leur maman Ita-Rosa partit avec Beate Klarsfeld en Bolivie pour demanderà la junte militaire en place  l’extradition de Klaus Altmann alis Klaus Barbie.

Barbie fut condamné pour crime contre l’Humanité en 1987 car preuve fut trouvée qu’il avait de son propre chef fait « liquider » la colonie des enfants d’Izieu lorsqu’il en ordonna la rafle puis la déportation à Auschwitz le 6 avril 1944.

Ce furent 44 petits gamins et adolescents de 4 à 17 ans qui furent arrêtés, déportés avec 7 de leurs accompagnants. Seule Léa Feldman, 26 ans,  revint de l’enfer d’Auschwitz.

Cette histoire terrible d’enfants traqués puis mis à mort recèle un savoir pour nous aujourd’hui et un fois encore j’aimerais en dégager un lumière afin que ces 44 là entre autres ne soient pas morts totalement pour rien.

A l’heure où les témoins incarnés de cette histoire inouïe disparaissent les uns après les autres, il importe de questionner la place que peut prendre l’art dans la préservation et la transmission de cette mémoire fondatrice.

Paul Niedermann dit:

« Dans un livre d’histoire, vous ne trouverez jamais l’émotionnel du vécu d’un témoignage. »

Quelles forces recèle l’art de la représentation pour continuer à donner à regarder, à penser ces événements ultimes de notre propre histoire? Quelles sont les armes de l’image pour faire relais et lutter contre l’oubli?

L’idée ici est d’essayer de faire vivre l’aventure de la représentation, d’observer ce qui se passe à l’endroit de ce vécu. Tenter d’articuler les vies des regardeurs de passage à celles de ces enfants du passé en ouvrant l’espace artistique au maximum comme une invitation à se mettre en lien.

Il me semble que l’art peut agir comme un miroir de soi où il est possible de rencontrer l’autre différent via le champ d’émotions très personnelles, via l’imaginaire qui peut être infini et qui contient une vraie force de liant.

En somme essayer de ramener chacun à son humanité, remettre le doigt sur ce qui nos fonde, sur ce qui est meilleur en nous.

Je laisse le dernier mot à Denise Verney déportée à Ravensbrück qui écrit dans le camp:

« Créer, même et surtout ici, c’est lutter, c’est espérer, c’est vouloir vivre. »

Et sur le petit carnet qu’elle avait offert là pour Noël à son amie Violette Maurice, elle avait brodé:

 

« La vie est belle, belle toujours. »

Marie AUGER, mai 2017