« Si l’on voulait donner une idée de la vie de ce camp, le mieux serait de le faire sous forme de conte. »

 

C’est du camp de Westerbork, Drancy hollandais, qu’Etty Hillesum écrit cette chose étrange. 

Quelle forme du récit en effet serait à même de rendre compte de l’extraordinaire des situations endurées, de l’irréalité du temps, de l’espace en ce territoire de l’improbable? 

 

Charlotte Delbo en fut. Elle en revient. Elle inventa LA langue pour nous dire.

L’Histoire conduisit Etty dans le hors champ d’Auschwitz. Elle n’en revint pas et ne put écrire le conte au coeur duquel elle été avec tout ce peuple d’humains perdus.

Aussi pour lui rendre hommage ai-je choisi de la figurer en personne merveilleuse: avec des bois de renne sur la tête qui lui font la mine haute et courageuse.

Etty aimait immensément la vie pour sa beauté qu’elle savait lire dans le détail des fleurs, des arbres, des êtres… pour le sens qu’elle y décelait par l’amour de son Dieu et celui sans cesse réaffirmé des hommes.

Du mauvais conte qui lui fit traverser le pays de la cendre et des larmes, Etty ne revint pas certes. Mais victorieuse elle le fut au bout du compte. Car les écrits qu’elle nous a laissés, qui sont d’une grande universalité, d’une liberté inouïe, d’une profonde actualité, font d’elle un esprit vivant. Ce qui fut vécu ne le fut pas en vain. Etty dans les terribles épreuves traversées mena une quête qui l’amena à construire un sens au monde. En écrivant ce chemin sinueux parfois difficile mais incontournable, elle nous livre généreusement sa découverte, elle nous montre qu’il appartient à chacun de creuser sa voie pour éloigner les frontière intérieures, augmenter le bonheur qu’il y a à vivre. Malgré tout.

Comme Charlotte Delbo, elle nous redonne la mesure de nos jours. Car le monde dont elle ne cesse de clamer la beauté, l’amour fou, aux portes de l’enfer, c’est le nôtre.

Etty, porteuse d’humains

Ceux de son temps.

Et ceux du nôtre.

                                 Marie AUGER, septembre 2015