Les vendredi 28 samedi 29 et dimanche 30 novembre je présente une installation-éclair rassemblant encres sur verre, sur papier, nouvelles toiles, sculptures… 

En voici le propos:

 

En septembre 2014 je me promenais au hasard des rues de Prenzlauer Berg à Berlin. Dans la Schönhauser Allée 162, j’entrai dans une cour. Je découvris là un pan de mur de briques restauré, gravées de prénoms, de noms et d’âges. Comme sur une porte-toise où l’on aurait  soigneusement noté la taille de chaque enfant de la famille en inscrivant la date à laquelle on aurait pris les mesures, les noms des plus jeunes s’inscrivaient en bas du mur et ceux des plus grands en haut. Un an-seize ans: telle était la fourchette du temps qui séparait les plus petits des plus âgés.

 Bouleversante : cette découverte le fut à deux titres.

 Le mur en soi était terrible car il renvoyait l’image très tangible d’une fixité tragique.: tous ces enfants ne grandiraient jamais : leurs noms étaient  gravés dans la brique comme on grave sur les tombes.

 Une plaque commémorative expliquait : il était une fois 137 orphelins garçons et filles et  10 de leurs éducateurs. Ils vivaient là derrière ce mur de briques dont il ne reste qu’un pan. Tous furent déportés au ghetto de Riga  le 19 octobre 1942 et pour ceux qui y survécurent ce fut la chambre à gaz. Direction Auschwitz.

 En 2000, une artiste allemande, Karla Sachse fit réaliser par des étudiants céramistes  18 pièces de terre cuite : jouets, balles, chaussures, vêtements, qu’elle fixa sur le mur-vestige de l’orphelinat comme s’ils avaient été oubliées là, en pleine vie.

Moins de 3 semaines après l’accrochage, l’ensemble des pièces  fut saccagé.

Un an plus tard, les étudiants tirèrent des doubles des oeuvres. Celles-ci sont désormais installées occasionnellement sur le mur.

 C’est une autre artiste, Susan Ahner, qui fit graver les briques en 2011. Elle installa une balle de 35 kilos sur la rue pour interpeler les passants et leur rappeler qu’à cet endroit des enfants  ont ri, joué, étudié… il n’y a pas si longtemps.

 La violence de ce saccage, là, dans Berlin, aujourd’hui, dans cette ville si symbolique où l’humain fait tant d’efforts pour se redresser, cette violence  m’a profondément ébranlée. Je me dis : rien n’est jamais gagné. Et reste persuadée que la culture sans être un rempart suffisant doit être un moyen  (en avons-nous tant ?) de garder tête haute. S’en faire une cuirasse.

 C’est en pensant aux enfants de l’orphelinat de la Schönhauser Allée et à leurs accompagnants que j’ai réalisé les petits portraits commémoratifs présentés ici.

                                                                                Marie AUGER, Novembre 2014