Mais enfin, pourquoi tu vois ça quand tu me regardes?

Guerre d’Algérie…Imaginaires masqués, assignations

 

Lorsqu’avec mes 3 sœurs nous étions enfants, notre père émaillait de façon récurrente les repas familiaux des souvenirs exotiques de son service militaire fait là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée. La blancheur lumineuse d’Alger, le bleu extrême du ciel et de la mer, le désert, les oasis… Ces ingrédients se combinaient dans sa bouche et dans nos têtes enfantines  en une seule carte postale bien cadrée qui nous faisait plus ou moins rêver. Adolescentes, notre intolérance l’envoyait aux pelotes avec « sa » guerre d’Algérie (récit dont ma mère était exclue … nous étions donc 5 à vouloir le faire taire). Je n’ai pas le souvenir d’une narration inquiétante. 40 ans plus tard j’allai le trouver pour qu’il me la raconte vraiment cette sale guerre à laquelle on l’avait contraint de participer de janvier à mai 62. J’en découvris l’intensité dramatique.

J’ai creusé le sillon ouvert par l’histoire paternelle. J’ai rencontré d’autres appelés, des immigrés algériens, des proches du FLN, des harkis, des Pieds Noirs, des Juifs d’Algérie. Je souhaitais découvrir ce qu’ils avaient transmis à leurs enfants, et ces enfants à leurs propres enfants. J’ai entendu la douleur des corps, les vies empêchées.

Ces histoires  ont nourri mon travail pendant presque 3 ans. Elles se font entendre en filigrane des œuvres,  formant ici récit où les places sont questionnées, celles qui nous sont assignées et celles qu’on se construit.

« Mais enfin, pourquoi tu vois ça quand tu me regardes ? »

C’est ce regard, le nôtre, qui s’interroge ici.

                                                                                                                                                                                                  Marie AUGER